LES GENRES LITTÉRAIRES

La poésie

▶ Le genre poétique

La poésie se caractérise, à l'origine, par des marques formelles héritées de ses relations avec la musique et la danse :

– longueur du vers (nombre des syllabes) et rythme (alternance de syllabes longues et brèves, ou accentuées et non accentuées) ;

– structure des strophes (ensembles de vers), unifiée par le système des rimes et/ou les reprises de vers de même forme.

La combinaison plus ou moins rigide d'une forme avec un thème et un style détermine le genre poétique.

▶ L'Antiquité

L'Antiquité distingue trois grands genres, à l'origine de la tradition occidentale :

– l'épopée, long poème narratif évoquant la légende de héros dans lesquels se reconnaît la société (Homère, l'Iliade, l'Odyssée ; Virgile, l'Énéide ; le genre sera repris ultérieurement, notamment au Moyen Âge : la Chanson de Roland) ;

Antiquité, l'épopée. Homère chantant ses vers (1834), peinture de Paul Jourdy. (École nationale supérieure des beaux-arts, Paris. Ph. Coll. Archives Larousse.)

– la poésie lyrique, plus proche du chant, dont la forme la plus noble est l'hymne, chant rituel célébrant un dieu ou un héros (Pindare, Horace) ;

– la poésie dramatique, ou tragédie (voir ci-dessous « Le théâtre »).

▶ Moyen Âge et Renaissance

Les troubadours du Moyen Âge élaboreront de nombreuses formes fixes (rondeaux, ballades). La Renaissance valorisera le sonnet (Ronsard), mais innovera surtout par des genres imités de l'Antiquité :

– l'ode, s'inspirant du chant lyrique antique ;

– l'élégie, nostalgique et mélancolique ;

– le madrigal, léger et galant ;

– l'épître, adressée à un destinataire réel ou fictif ;

– la satire, portant une critique morale ou politique.

Moyen Âge, le troubadour. Bernard de Ventadour (XIIIe s.), miniature extraite du recueil d'un chansonnier provençal. (Bibliothèque nationale de France, Paris. Ph. Coll. Archives Larbor.)

▶ Du classicisme à nos jours

Le xviie s. précisera les règles de la poésie classique (Malherbe), tandis que la fable (court récit allégorique suivi d'une moralité, le plus souvent en vers libres) connaîtra son apogée (La Fontaine).

Alors que la poésie narrative et didactique domine au xviiie s., le xixe s. renoue avec les genres classiques pour les ouvrir à tous les aspects de la modernité, découvre de nouvelles contraintes formelles, tout en s'affranchissant de la métrique (poème en prose : Baudelaire, Rimbaud). Une évolution qui se poursuivra jusqu'à nos jours.

Le théâtre

▶ Une représentation

Le théâtre est une forme de spectacle. Il se caractérise par de multiples éléments qui interviennent, en même temps, dans ce qu'on appelle la représentation (le moment où se joue la pièce) :

– le texte de théâtre ou texte dramatique : il est constitué de dialogues et peut contenir des didascalies (instructions de jeu données par l'auteur) ;

– les comédiens : ils incarnent les différents personnages de la pièce, après avoir répété sous la direction d'un metteur en scène ;

– un public composé d'un nombre variable de spectateurs ;

– une salle de théâtre où se font face la scène et la salle (où se tiennent les spectateurs).

▶ Les genres dramatiques

Il y a plusieurs genres dramatiques :

– la tragédie : d'inspiration religieuse à l'origine, elle évoque le destin de l'homme et le mystère de son existence. La tragédie antique, illustrée par les Grecs Eschyle, Sophocle et Euripide, traite du rapport des hommes et des dieux. La tragédie classique française, illustrée par Corneille et Racine, cherche à tracer une leçon philosophique ou morale à travers l'évocation d'un fait historique ;

– la comédie : elle cherche à susciter le rire chez les spectateurs. Qu'elle soit satirique ou qu'elle s'appuie sur des situations amusantes, elle n'est pas un genre sans profondeur. Au xviie s., Molière a porté à son sommet ce registre qui est généralement de nature plus populaire que le genre tragique ;

– le drame : il privilégie un tragique davantage fondé sur le caractère romanesque des événements mis en scène que sur une vision métaphysique (Hugo).

Théâtre, le drame romantique. La Première d'Hernani (1903), peinture d'Albert Besnard, fi gurant la première représentation du drame Hernani de Victor Hugo, le 25 février 1830 à la Comédie-Française. (Maison de Victor Hugo, Paris. Ph. Jeanbor © Archives Larbor.)

▶ Évolution des genres

Aux vie et ve s. avant J.-C., les auteurs grecs ont inventé les genres dramatiques. Depuis, ces catégories ont évolué et, à partir du xvie s., avec l'œuvre de Shakespeare notamment, elles se sont mélangées. Il y a désormais des tragédies avec des scènes comiques et des comédies avec des résonances tragiques.

À partir de la fin du xxe s., le spectacle théâtral s'est transformé en intégrant des éléments auparavant réservés au cirque, à la danse et aux spectacles musicaux.

Le récit de fiction

Le récit de fiction – roman, conte, nouvelle – s'oppose au récit historique. Le roman est une fiction dont la longueur n'est pas limitée – par opposition à la nouvelle, récit bref d'un seul événement, et au conte, également bref mais davantage rattaché à la tradition orale et ouvert sur le merveilleux.

Le roman reste cependant le moins défini de tous les genres littéraires. Il revêt ainsi d'innombrables formes et fait régulièrement l'objet de remises en question.

▶ Moyen Âge

Le terme « roman » désigne à l'origine un récit « en roman », la langue populaire du Moyen Âge, par opposition au latin, la langue savante (Chrétien de Troyes).

▶ De la Renaissance au xviiie siècle

À la Renaissance, Rabelais et Cervantès rompent avec les fictions médiévales. Le xviie s. voit le succès du roman précieux, racontant des aventures galantes sur le modèle des récits grecs antiques (Honoré d'Urfé), du roman comique, porté à la contestation sociale et religieuse (Scarron), ainsi que du roman d'analyse, consacré aux passions (Mme de La Fayette).

Le xviiie s. est marqué par le roman picaresque (Lesage), le roman sentimental (Rousseau) et le roman satirique (Montesquieu). Le genre fait par ailleurs l'objet d'une critique sur le mode parodique (Diderot).

▶ xixe et xxe siècles

Le roman devient au xixe s. le genre dominant. Il se ramifie en de nombreux sous-genres (roman gothique, historique, fantastique, policier, d'anticipation, puis, au xxe s., de science-fiction). Mais, dans la lignée du roman de formation (Goethe), il fait des trajectoires individuelles son principal objet.

Le roman réaliste ambitionne ainsi de rendre compte de toute la société de son temps, rivalisant avec l'histoire (Balzac), tandis que le roman naturaliste rivalise, lui, avec la science (Zola). Il se veut aussi, avec Flaubert, l'expression la plus aboutie du style, au-delà de l'histoire racontée.

Au début du xxe s., Proust, Joyce et Virginia Woolf renoncent au primat de l'histoire pour s'attacher à l'exploration de la conscience, souvent sous la forme du monologue intérieur. La contestation des conventions romanesques du xixe s. culminera ensuite avec Céline, puis avec les écrivains du « nouveau roman » – même si une tradition romanesque toujours prolixe ne cesse de reconduire les formules anciennes.

L'argumentation

Les genres littéraires argumentatifs visent à convaincre le lecteur d'une idée ou d'une position particulière.

– L'essai est une réflexion développée reposant sur l'expérience et le point de vue particulier de l'auteur, qui s'y exprime à la première personne et ne prétend délivrer aucune thèse systématique ou définitive – à la différence du traité. Les Essais (1580) de Montaigne constituent le premier modèle du genre. L'essai devient plus politique et philosophique au siècle des Lumières et prend souvent, à partir du xixe s., la forme de recueil d'articles critiques parus dans la presse. Il reste pratiqué aux xxe et xxie s., qu'il soit philosophique (Camus, l'Homme révolté), proche des sciences humaines (Barthes, Mythologies) ou en forme de méditation libre (Quignard, Dernier Royaume).

– Autre genre argumentatif, les pensées (Pascal) se présentent sous une forme plus fragmentaire que l'essai et le je y intervient moins, de même que dans les maximes (La Rochefoucauld), qui cherchent à exprimer une vérité générale dans une formule concise.

– Le pamphlet, enfin, relève du genre polémique : l'auteur y défend sa position en s'attaquant à un adversaire par la satire, l'ironie ou la violence verbale (Hugo, Napoléon le Petit ; Zola, J'accuse).

L'argumentation. J'accuse, pamphlet d'Émile Zola, publié dans l'Aurore le 13 janvier 1898. Dans cette lettre ouverte au président de la République, Zola dénonce les forfaitures commises ou couvertes par l'état-major pour laisser Alfred Dreyfus au bagne. (Ph. Coll. Archives Larbor.)

Le genre épistolaire

Le genre épistolaire recouvre l'ensemble des pratiques impliquant l'échange de lettres.

– L'échange peut être réel : une correspondance privée entre deux personnes est rassemblée et publiée après coup, devenant ainsi une œuvre littéraire tout en constituant un document authentique (Lettres de Mme de Sévigné).

– L'échange peut aussi être fictif : le roman par lettres, en vogue au xviiie s., est une fiction présentée par le romancier comme une correspondance réelle qu'il ne ferait que porter à la connaissance du public. La lettre fictive est alors le moyen de la représentation immédiate et « sincère » de l'intimité, du trouble de la passion qui s'écrit en direct et à la première personne (Rousseau, la Nouvelle Héloïse ; Laclos, les Liaisons dangereuses ; Goethe, les Souffrances du jeune Werther). Elle peut aussi avoir une visée satirique (Montesquieu, Lettres persanes) ou didactique (Voltaire, Lettres philosophiques).

Les écrits personnels

Les écrits personnels sont ceux où l'auteur se présente à la fois comme le narrateur et comme le personnage de son récit.

– L'écriture peut être contemporaine des événements racontés et se faire au jour le jour : c'est le cas des correspondances et du journal intime (Mme de Staël, Anne Frank).

– L'écriture peut aussi intervenir rétrospectivement sous forme de souvenirs. Dans l'autobiographie, l'auteur fait le récit de sa vie et de l'histoire de sa personnalité (Rousseau, les Confessions ; Sartre, les Mots) ; il peut y entrer une part d'invention (Perec, W ou le Souvenir d'enfance ; l'autofiction actuelle). Dans ses Mémoires, l'auteur insiste davantage sur les événements extérieurs, voire historiques, auxquels il a participé (Saint-Simon, Mémoires ; Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe) ou dont il a été le témoin (Primo Levi, Si c'est un homme).