roman [rɔmɑ̃] 

nom masculin

(de 1. roman)

  1. Œuvre littéraire, récit en prose génér. assez long, dont l'intérêt est dans la narration d'aventures, l'étude de mœurs ou de caractères, l'analyse de sentiments ou de passions, la représentation, objective ou subjective, du réel : Un roman de Georges Perec.
  2. LITTÉRATURE Œuvre narrative, en prose ou en vers, écrite en langue romane : Le « Roman de la Rose ». Le « Roman de Renart ».
  3. Longue histoire compliquée, riche en épisodes imprévus ; récit dénué de vraisemblance : Sa vie est un roman.
  4. LITTÉRATURE Nouveau roman, tendance littéraire contemporaine qui refuse les conventions du roman traditionnel (rôle et psychologie des personnages, déroulement chronologique et relation prétendument objective des événements, etc.) et met l'accent sur les techniques du récit.

Le roman s'est défini d'abord comme un phénomène de langue : est « roman » ce qui est écrit en langue romane, c'est-à-dire dans la langue parlée par le peuple, le français (par opposition à la langue écrite, le latin). Au Moyen Âge, le roman de chevalerie n'en a que le nom : il tient plutôt du poème épique, qu'il met à la portée d'un public plus vaste. Le fabliau, par la peinture de la réalité quotidienne, des caractères, des conditions sociales et des mœurs, annonce un des traits fondamentaux du roman. Au XVIe s., parodie nostalgique du roman de chevalerie, le Don Quichotte de Cervantès ouvre l'ère du roman moderne : ce héros négatif d'une épopée inverse consacre la disparition d'une éthique et la naissance d'une esthétique nouvelle, caractérisée par une absence de l'harmonie rêvée entre le héros, les valeurs et le monde.

Au XVIIe s. prévaut le roman précieux, avec son idéalisation des personnages, son goût pour les sentiments raffinés et leur analyse. Le premier chef-d'œuvre du roman d'analyse est la Princesse de Clèves (1678) de Mme de Lafayette, qui, par son dépouillement, son observation pénétrante des sentiments, ouvre la voie aux Liaisons dangereuses de Laclos (1782), à l'Adolphe de Benjamin Constant (1816).

Le roman se révèle dès lors une forme d'une extraordinaire souplesse, traduisant la curiosité réaliste et exotique du XVIIIe s. (dans la lignée du récit picaresque) avec Defoe, Swift, Fielding, Voltaire, Prévost et Bernardin de Saint-Pierre, faisant le bilan d'une expérience humaine (Bildungsroman ou roman de formation) et poétique avec Goethe, Hölderlin et Novalis.

Au XIXe s., « le siècle du roman », il se fait lieu de la confession personnelle (René de Chateaubriand), moyen d'observation visionnaire pour Balzac ou « miroir », inquiet et lucide, « promené » par Stendhal « le long du chemin », instrument d'analyse scientifique pour les écrivains naturalistes. Le mysticisme de Melville (Moby Dick) et le sens du sacré du roman russe avec Tolstoï et surtout Dostoïevski remettent en cause l'équilibre du roman, qui aspire à la totalité avec Proust, Joyce, Broch et Musil.

La première moitié du XXe s. a vu l'apparition du roman policier et du roman d'anticipation (ou de science-fiction), préfiguré par Jules Verne. Mais, dans la seconde moitié du XXe s., certains écrivains ont refusé le schéma du roman traditionnel, ordonné autour de personnages dont la psychologie est révélée suivant un ordre logique d'événements. Par réaction s'est créé le nouveau roman (illustré par Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Claude Simon, Alain Robbe-Grillet, Michel Butor), qui, ayant éliminé intrigue et personnages, s'ordonne le plus souvent autour des choses, des objets, dont le romancier enregistre les contours et qui semblent seuls avoir une existence véritable. Depuis, à côté du roman de type traditionnel, qui fleurit toujours (prix littéraires), le genre romanesque semble plutôt s'orienter vers une recherche sur le langage (Pierre Michon, Pierre Bergounioux).