nom masculin
(lat. drama, mot gr. « action, pièce de théâtre »)
Le drame apparaît dans le théâtre français dans la seconde moitié du XVIIIe s., refusant avec force la distinction des genres comique et tragique fixée par le classicisme. À l'esthétique classique de la pureté, de l'unité et de la perfection, le drame oppose, au nom de la vérité et de la vie, une recherche de l'intensité, de la variété, du mélange des tons. Le souci de renouveler les traditions classiques par plus de réalisme, l'influence étrangère (Calderón, Lope de Vega, Shakespeare, Goldoni) et le besoin d'écrire pour une classe bourgeoise grandissante donnent naissance au drame bourgeois, ou genre sérieux, défini par Diderot : drame en prose visant à la vérité dans le ton, cherchant le mouvement et le pathétique, représentant les conditions et les conflits de la vie privée, avec une intention moralisante, dont se distingue à peine la « comédie larmoyante » de Nivelle de La Chaussée et qui s'épanouira par la suite dans le mélodrame.
Les idées dramatiques de Diderot sont reprises en Allemagne par Lessing dans ses drames bourgeois ou philosophiques (Nathan le Sage). Dans le même sens, Goethe compose son drame Götz de Berlichingen, alors que Schiller se fait plutôt l'imitateur de Shakespeare dans les Brigands. Sous ces influences combinées de Shakespeare, du drame allemand, du mélodrame et des théories dramatiques de l'Italien Manzoni s'élabore en France le drame romantique, dont V. Hugo donne la définition dans la Préface de Cromwell (1827). Théâtre d'action complexe, plus lyrique que psychologique, substituant les sujets modernes aux sujets antiques, épris d'histoire et de « couleur locale », le drame romantique s'impose dès 1830 (« bataille d'Hernani ») avec les œuvres de Hugo (Marie Tudor, Ruy Blas), de A. Dumas père (Kean), de Vigny (Chatterton).
Si l'échec des Burgraves (1843) de Hugo marque la fin du théâtre romantique, le drame, devenu un genre aux contours mal définis et supplantant la tragédie disparue, continue de vivre comme à peu près la seule forme d'expression du théâtre « sérieux ». Ainsi le drame bourgeois moralisateur renaît-il dans la « pièce à thèse » de A. Dumas fils (la Dame aux camélias), tandis que le théâtre naturaliste, avec Henry Becque (les Corbeaux), Octave Mirbeau (Les affaires sont les affaires), Antoine et son « Théâtre-Libre », poursuit l'idéal de la vérité au théâtre. Mais c'est à l'étranger que le drame, influencé par le mouvement symboliste ou une nouvelle perception de la vie cérébrale, donne ses œuvres les plus fortes, avec Ibsen en Norvège, Strindberg en Suède, Tchekhov en Russie, G. Hauptmann en Allemagne, Synge en Irlande, Pirandello en Italie. L'exemple du drame musical de Wagner engage le symbolisme dans la voie du drame poétique (Maeterlinck), qui conduira au théâtre de P. Claudel.
Dans la seconde moitié du xxe s., le tragique des « comédies » de Beckett ou d'Ionesco et la bouffonnerie du théâtre de l'absurde permettent de voir dans ces œuvres un nouvel avatar du drame, mais interdisent surtout de tracer une limite précise entre les formes dramatiques. Par commodité, on retiendra néanmoins la distinction académique entre tragédie et drame : la première repose sur une transcendance (le rôle des dieux ou du destin), le second sur un enchaînement de circonstances provoqué par le hasard et l'activité humaine.