tragédie [traʒedi] 

nom féminin

(lat. tragoedia, du gr.)

  1. LITTÉRATURE Pièce de théâtre, dont le sujet est génér. emprunté à la légende ou à l'histoire, qui met en scène des personnages illustres et représente une action destinée à susciter la terreur ou la pitié par le spectacle des passions et des catastrophes qu'elles provoquent ; genre littéraire que constitue l'ensemble de ces pièces : Les tragédies grecques.
  2. Événement funeste : Une émeute qui tourne à la tragédie (SYN.  catastrophe, drame).

La tragédie antique et ses adaptations.

La tragédie, qui est à l'origine même du théâtre, est née dans la Grèce antique, du culte de Dionysos. Au cours des fêtes consacrées au dieu du vin et de l'ivresse, des chœurs exécutaient un chant en son honneur (le dithyrambe), donnant la réplique à un chanteur, le coryphée. Les parties lyriques chantées par le chœur alternaient avec les divers épisodes de l'action (correspondant aux actes du théâtre moderne). La forme définitive de ce spectacle, d'origine populaire, semble avoir été fixée à partir du VIe s. av. J.-C., et complétée au Ve s. av. J.-C., par Eschyle, Sophocle et Euripide, qui augmentèrent notamment le nombre des acteurs.

D'abord austère et dépouillée, la tragédie se transforma en une sorte d'opéra, par l'amplification de la déclamation, de la mise en scène et de la musique, et connut, dès le IVe s. av. J.-C., une longue décadence. Imitée par les Romains (Ovide et surtout Sénèque), elle fut reprise à l'époque de la Renaissance par le théâtre européen.

En France, dès le milieu du XVIe s., écrivains et poètes tentent d'adapter la tradition antique au goût français, en supprimant les chœurs, en introduisant plus de psychologie chez les personnages et de vraisemblance dans l'action ; mais la notion du « tragique », souvent confondue avec l'aspect pathétique destiné à éveiller la pitié ou avec l'aspect dramatique qui repose essentiellement sur les péripéties de l'action et l'attente du dénouement, est alors comprise de façon confuse et ambiguë. Cependant, dans la seconde moitié du xvie s. et au début du xviie s., en Angleterre, Shakespeare et d'autres auteurs de théâtre inventèrent parallèlement une forme de tragédie moins fondée sur les récits violents de l'Antiquité que sur la cruauté de l'époque dans laquelle ils vivaient.

La tragédie classique.

Au début du XVIIe s., l'apparition de la tragi-comédie, au dénouement heureux, semble devoir éclipser la tragédie pure, fondée sur la lutte éternelle de l'homme contre un destin inéluctable.

Le triomphe des « règles », qui s'impose vers 1640, marque le renouveau de la tragédie proprement dite. Reprises du théâtre antique par les érudits et les critiques, elles sont fondées sur les trois unités (action, temps, lieu) et le respect de la bienséance et de la vraisemblance : la tragédie ne doit comporter qu'une seule intrigue, sans épisode secondaire ; l'action doit se dérouler en un jour et dans un seul et même lieu ; les héros en sont toujours des personnages illustres (princes, rois, reines, etc.), ce qui donne au genre sa majesté et sa dignité ; le langage de la tragédie, grave et solennel, bannit les mots familiers et conserve toujours la réserve et la pudeur la plus grande ; de même qu'est évitée la représentation réaliste des combats et des suicides. Ces limites rigoureuses ont permis à la tragédie d'atteindre un maximum d'intensité, par la simplicité de l'action et la profondeur de l'analyse psychologique, par l'élégance et l'harmonie de la forme. Cet idéal classique se trouve pleinement réalisé dans les œuvres de Racine. Mais, bien que fécondes, les règles ne suffisaient pas à elles seules à la réalisation de chefs-d'œuvre, comme l'ont prouvé les médiocres imitations du XVIIIe s., au cours duquel la tragédie connut un déclin rapide. Elles constituaient de plus un obstacle important à l'épanouissement du genre : cette contrainte fut ressentie par Corneille lui-même, qui pourtant donna à la tragédie française ses premiers chefs-d'œuvre, mais dont les pièces, plus riches en événements, supportaient moins bien ce cadre trop étroit. Ce danger fut un des arguments principaux des romantiques contre la tragédie classique à laquelle, au XIXe s., se substitua le drame qui évolue au gré d'épisodes foisonnants et d'éléments pathétiques, politiques et philosophiques.

La tragédie moderne.

L'évolution d'un monde bouleversé par des guerres de plus en plus meurtrières, des génocides et le développement de l'arme atomique a fait naître de nouvelles formes de tragédies à partir de la seconde moitié du xxe s. : tragédies sociales, tragédies réinterprétant les modèles antiques, tragédies empreintes de la philosophie de l'absurde, tragédies d'anticipation imaginant des conflits d'une brutalité encore inconnue.