photographie [fɔtɔgrafi] 

nom féminin

(de photo- et -graphie, d'apr. l'angl. photograph)

  1. Technique permettant de fixer l'image des objets sur une surface rendue sensible à la lumière par des procédés chimiques ou sur un capteur photosensible à semi-conducteur.
  2. Cette technique employée comme moyen d'expression artistique ; art du photographe (abrév. photo) :Faire de la photographie.
  3. Image obtenue par cette technique : Album de photographies (abrév. photo) [SYN.  cliché, épreuve].
  4. Description, reproduction rigoureuse et fidèle de qqch : Ce sondage donne une photographie de l'opinion (SYN.  image).

Photographie analogique traditionnelle.

Le principe de la photographie (inventée en 1816 par Nicéphore Niépce, puis perfectionnée par Daguerre, Niépce de Saint-Victor, Gaudin, Maddox, etc.) est fondé sur la transformation de composés chimiques sous l'action de la lumière ou de radiations (rayons ultraviolets, infrarouges, X, gamma, etc.).

Un appareil photographique traditionnel est essentiellement constitué d'une chambre noire dotée d'un objectif. Celui-ci forme l'image à l'intérieur de la chambre, sur un support (film, plaque de verre, papier, etc.) portant une émulsion constituée d'une couche de gélatine et des cristaux de sels d'argent en suspension. Le développement donne soit une image négative servant au tirage des épreuves, soit une image positive (diapositive) pouvant être projetée. Le traitement comprend deux opérations principales : l'immersion dans le bain révélateur, qui transforme l'image latente en image visible, constituée par de l'argent réduit (image argentique), et, après rinçage, dans le bain de fixage, qui élimine les sels d'argent inutilisés. Généralement, le négatif est tiré sur papier sensible par agrandissement.

La photographie en couleurs est fondée sur une théorie de Thomas Young, qui, en 1802, émit l'hypothèse selon laquelle trois couleurs dites fondamentales, le rouge, le vert et le bleu, suffisent à l'œil pour reproduire toutes les couleurs. Le mélange de ces trois couleurs est dit additif, mais la plupart des émulsions reposent sur un mélange soustractif des couleurs (cyan, magenta et jaune).

Photographie numérique.

Dans les appareils de photographie numérique, apparus sur le marché au début des années 1990, les images sont saisies par un capteur CCD (charge coupled device) et enregistrées sur une petite carte mémoire (mémoire flash) intégrée au boîtier. Elles sont composées de points (pixels) dont le nombre varie selon la définition de l'appareil. Les images sont transférées, via la carte mémoire amovible ou un port USB, sur un ordinateur qui permet leur visualisation, leur traitement ou leur impression.

BEAUX-ARTS

Les pionniers.

Les premiers photographes (Niépce, Daguerre, H. Bayard, Talbot), en raison de la longueur des temps de pose, portent un regard de peintre sur des sujets immobiles, qu'il s'agisse de vues d'extérieurs (Gustave Le Gray) ou de portraits, dont la vogue répond à la demande croissante de la bourgeoisie (Étienne Carjat, Nadar).

Les améliorations techniques permettent la naissance de la photographie documentaire et des premiers reportages (ainsi, Maxime Du Camp, en 1849, accompagne Flaubert en Orient pour une mission archéologique).

Photographie instantanée et réaction pictorialiste.

À partir de 1880, l'instantané photographique augmente les possibilités et débouche sur des images affranchies des canons esthétiques de la peinture. La chronophotographie permet à Marey et à Muybridge de décomposer le mouvement ; au début du XXe s., Lewis W. Hine révèle les conditions du travail des enfants et Jacob Riis celles des immigrés aux États-Unis.

En réaction, le pictorialisme affirme que la photographie doit imiter les thèmes et les techniques de la peinture traditionnelle et procurer des œuvres uniques. Par leurs tirages à la gomme bichromatée exigeant de nombreuses manipulations, Robert Demachy et Constant Puyo sont, en France, les principaux représentants du mouvement, qui connaît un grand succès aux États-Unis sous l'impulsion de Steichen et de Stieglitz.

De la Nouvelle Vision au style documentaire.

Abandonnant le modèle de la peinture, les avant-gardes de l'entre-deux-guerres exploitent au contraire la spécificité de la photographie pour en faire l'art moderniste par excellence. C'est l'outil expérimental au service d'un langage nouveau : abstraction, photomontages et rayogrammes surréalistes (Man Ray), Nouvelle Vision définie par le Bauhaus (Moholy-Nagy), constructivisme et suprématisme russe (El Lissitzky), Nouvelle Objectivité allemande (Albert Renger-Patzsch, August Sander), tandis qu'en France le réalisme est plus poétique (Kertész, Brassaï, Willy Ronis, Doisneau). Aux États-Unis, Steichen et Stieglitz délaissent les effets pictorialistes pour regarder sans artifices (Straight Photography) la ville moderne ; les images de Strand offrent une précision descriptive qui animera également les photographes californiens du Groupe f. 64 (Weston, Adams). Les années 1930 voient s'imposer le « style documentaire » de Berenice Abbott, qui photographie New York en se réclamant du travail plus ancien d'Atget sur Paris, et de W. Evans, qui parcourt l'Amérique rurale frappée par la dépression.

La photographie de l'après-guerre.

Trois grands courants marquent la photographie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Marqué par les tragédies de l'Histoire, le reportage humaniste cherche à donner une portée universelle aux images (Robert Capa, Cartier-Bresson). En réaction, d'autres photographes imposent des images sans complaisance, souvent violentes ou dérangeantes (William Klein, Robert Frank, Diane Arbus). Enfin, parallèlement, des recherches formelles influencent la nouvelle photographie de mode (Irving Penn, Richard Avedon).

Photographie et art conceptuel.

À la fin des années 1960, la photographie est sollicitée par les artistes conceptuels : en rupture avec la notion de créativité et d'originalité esthétique, le principe de la série s'impose (Bernd et Hilla Becher). Une réflexion critique sur l'outil accompagne la valorisation de la photographie d'amateur dans sa relation à la mémoire individuelle et collective (Christian Boltanski).

Du tableau photographique au pluralisme actuel.

Au style pauvre de la photographie conceptuelle succèdent, à partir des années 1980, de nouvelles recherches sur les possibilités formelles de l'image, favorisées par les progrès techniques et la multiplication des lieux d'expositions prestigieux. La couleur s'impose, les formats s'agrandissent : des compositions complexes (Gilbert & Georges) et des « tableaux photographiques » (Jeff Wall) associent perfection technique du tirage et utilisation d'autres modèles visuels (cinéma, publicité, etc.). Les photographes interpellent la société contemporaine (Cindy Sherman, Nan Goldin, Martin Parr) et réfléchissent à l'image elle-même. La mise en scène des compositions (Leslie Krims, Duane Michals) débouche sur la photographie plasticienne, allant jusqu'à la déréalisation de l'objet (Thomas Demand) et de plus en plus ouverte à la manipulation numérique (Andreas Gursky). Aujourd'hui, la diversité des approches tend à estomper la spécificité de la photographie.