philosophie [filɔzɔfi] 

nom féminin

(lat. philosophia, mot gr., de sophia, science, sagesse)

  1. Domaine d'activité de la pensée qui s'assigne pour fin une réflexion sur les êtres, les causes et les valeurs envisagés au niveau le plus général : Le rôle de l'homme dans l'univers, la divinité, les valeurs morales, le sens de l'histoire, etc. , constituent les grands problèmes de la philosophie.
  2. Enseignement donné dans les établissements secondaires et supérieurs sur ces problèmes (abrév. familier philo) :Une dissertation de philosophie.
  3. Étude des principes fondamentaux d'une activité, d'une pratique, et réflexion sur leur sens et leur légitimité : Philosophie des sciences, de l'art, du droit.
  4. Doctrine, système philosophique d'un auteur, d'une école, d'une époque, etc. : La philosophie de Platon (SYN.  doctrine).
  5. Enseignement tiré d'un événement : La presse essaie de tirer la philosophie de l'attentat (SYN.  morale, moralité).
  6. Sagesse acquise avec l'expérience des difficultés ; constance, fermeté d'âme : Une attitude pleine de philosophie (SYN.  raison). Subir un revers avec philosophie (SYN.  résignation, calme).
  7. Conception de qqch fondée sur un ensemble de principes ; ces principes : Une nouvelle philosophie de l'entreprise (SYN.  idée).

La philosophie commence à s'exprimer dès le début des grandes civilisations, en Europe, en Chine, en Inde (c'est-à-dire au cours du Ier millénaire av. J.-C.) ; la philosophie de l'islam apparaît dès l'hégire (622).

L'Antiquité.

En Europe, la Grèce est le berceau de la philosophie, avec les présocratiques : Pythagore (v. 570 - v. 480 av. J.-C.), dont l'apport est à la fois mathématique et moral ; Héraclite (v. 550 - v. 480 av. J.-C.), qui lui donne une dimension poétique et cosmologique. Démocrite, en 420 av. J.-C., sans exclure que les dieux existent, cherche à expliquer la création du monde au moyen des atomes (atomisme), point de départ doctrinal du matérialisme. Avec Socrate (v. 470 - 399 av. J.-C.), la pensée occidentale opère une rupture dont elle mettra des siècles à s'apercevoir : Socrate décide de ne plus s'intéresser seulement à ce qui se passe dans le monde physique, l'univers, mais aux rapports entre les hommes. Platon (v. 427 - v. 348/347 av. J.-C.), son disciple le plus original, s'intéresse aux fondements des réalités sensibles ; pour lui, philosopher, c'est tenter le passage du monde sensible des illusions (phénomènes d'ici-bas) aux Idées permanentes et intelligibles (le Bien, le Beau, le Vrai). Aristote (384 - 322 av. J.-C.), quant à lui, se distingue par son savoir encyclopédique. Il fonde la logique en formalisant certaines démarches de la pensée (syllogisme). Le thème de la morale, étudié par Aristote, est repris et prolongé par Épicure (341 - 270 av. J.-C.), qui considère que le plaisir de la quiétude est le but de la vie. Le stoïcisme couvre ensuite six siècles : fondé par Zénon de Kition (v. 335 - v. 264 av. J.-C.), il propose une morale fondée sur l'acceptation de la nécessité.

Du règne d'Aristote aux révolutions du XIXe siècle.

Aristote triomphe dans le monde chrétien, marqué par la pensée de saint Augustin (354 - 430) dont l'influence s'exerce sur la théologie médiévale jusqu'à l'avènement du thomisme, initié par saint Thomas d'Aquin (1225 - 1274). L'école d'Oxford, avec Roger Bacon (v. 1220 - 1292), s'oriente vers les mathématiques ; le nominalisme, qui refuse les Idées platoniciennes, est fondé par Guillaume d'Occam (v. 1285 - v. 1349). La Renaissance repense l'héritage gréco-romain en termes neufs. La pensée politique retrouve un nouvel élan avec N. Machiavel (le Prince, 1513) puis J. Bodin (la République, 1576) et surtout T. Hobbes (le Léviathan, 1651), qui propose une nouvelle philosophie de l'État. L'ère classique est marquée d'emblée par R. Descartes (Discours de la méthode, 1637), qui recherche la vérité à partir d'une évidence première : « Je pense donc je suis ». B. Spinoza (Éthique, publié en 1677) propose un système panthéiste, tandis que G. Leibniz (Monadologie, 1714), à l'inverse, repense le Dieu créateur. Au XVIIIe s. apparaît, avec D. Hume (Traité de la nature humaine, 1739-1740), l'empirisme. G. Berkeley (Traité sur les principes de la connaissance humaine, 1710) propose une philosophie rattachée à l'empirisme : le sensualisme. Il faut attendre E. Kant (Critique de la raison pure, 1781) pour voir le retour à un système rationaliste fondé sur le recours à la fonction critique de la raison s'appliquant aussi bien dans le domaine des phénomènes que dans celui du jugement moral et esthétique. Au XIXe s., le pessimisme de A. Schopenhauer (le Monde comme volonté et comme représentation, 1818) n'a que peu d'influence sur la philosophie elle-même. J. Fichte (Doctrine de la science, 1801-1804) et F. von Schelling (Idées pour une philosophie de la nature, 1797) construisent des systèmes idéalistes. La nouveauté apparaît dans la tournure même que prend l'idéalisme avec G. Hegel (Phénoménologie de l'esprit, 1807) : c'est la dialectique, dont K. Marx pensera qu'il n'a qu'à la retourner pour qu'elle puisse marcher sur ses pieds. Mais Marx fait plus qu'un retournement en constituant les éléments d'un matérialisme historique et dialectique ; il réalise la jonction entre pratique idéologique et théorie (Manifeste du parti communiste, 1848 ; le Capital, 1867-1905). Marx, Nietzsche et Freud sont les trois grands noms qui ouvrent une voie nouvelle et libératrice à la philosophie occidentale du XXe s. F. Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra, 1885) prédit la libération de l'homme par la mort de Dieu et du judéo-christianisme, liés tous deux à une société fondée sur l'esclavage et ses prolongements dans la société industrielle.

XXe siècle.

S. Freud détermine l'inconscient psychique comme fondement de la thérapie individuelle et de la critique sociale (Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901 ; Malaise dans la civilisation, 1930). Il aura de nombreux disciples plus ou moins fidèles (Jung, Adler puis M. Klein, D. Winnicott) et des disciples révoltés (W. Reich, H. Marcuse). H. Bergson tente un retour au spiritualisme grâce à une pensée de l'évolution créatrice. La phénoménologie, qui entend refonder la philosophie comme science rigoureuse, est une pensée majeure du xxe s. Husserl, son fondateur, conçoit la philosophie comme une attention rigoureuse prêtée aux objets de conscience (Idées directrices pour une phénoménologie, 1913). Dans ce contexte, Heidegger questionne la possibilité d'un discours sur l'être. Sartre, marqué par ces auteurs, développe une pensée centrée sur la liberté en situation (l'Être et le Néant, 1943). Le renouveau de la logique vient du cercle de Vienne (L. Wittgenstein, R. Carnap) et de la philosophie analytique inventée par les Anglo-Saxons, influencés par B. Russell (Principia mathematica, 1910-1913), tels J. Austin, P. F. Strawson, G. Ryle. Le marxisme suscite certaines recherches (A. Gramsci, L. Althusser), cependant qu'il est repensé par l'école de Francfort puis par ses continuateurs, dont J. Habermas (Raison et légitimité, 1973). L'épistémologie prend son essor avec G. Bachelard (le Nouvel Esprit scientifique, 1934) et I. Prigogine (la Nouvelle Alliance, 1979). Parallèlement, d'autres s'attachent à approfondir les sciences humaines : F. de Saussure pour la linguistique, J. Lacan (Écrits, 1966) pour la psychanalyse, H. McLuhan pour les médias (la Galaxie Gutenberg, 1962), C. Lévi-Strauss (la Pensée sauvage, 1962) pour l'anthropologie, M. Foucault pour l'épistémologie (les Mots et les Choses, 1966), P. Bourdieu pour la sociologie. G. Deleuze poursuit sa réflexion sur les énoncés discursifs et sur le désir (l'Anti-Œdipe, en collab. avec F. Guattari, 1972). Quels que soient ses champs de recherche, la philosophie conserve une extraordinaire vitalité.