baroque [barɔk]

nom masculin

(port. barroco, perle irrégulière)

Style artistique et littéraire né en Italie à la faveur de la Contre-Réforme et qui a régné sur une grande partie de l'Europe et de l'Amérique latine aux XVIIe et XVIIIe s.

Si le mot baroque est aujourd'hui un terme vague que l'on applique aussi bien à une idée bizarre qu'à la peinture de Rubens ou au théâtre de Claudel, il a une origine technique et précise : en joaillerie, baroque désignait une perle irrégulière ou une pierre mal taillée. Le baroque s'est donc d'abord défini négativement : il était l'anormal, l'exubérant, le décadent, le contraire du classique.

Au début du XXe s., les historiens de l'art ont fait du baroque un concept d'esthétique générale pour caractériser le style de la période qui sépare la Renaissance du classicisme : l'art baroque, pictural et ouvert, s'oppose à l'art classique, linéaire et fermé. Cette vision plastique s'étendit à la musique et à la littérature.

Le baroque est lié à l'idéologie de la Contre-Réforme : il domine, de la fin du XVIe s. au milieu du XVIIe, en Italie d'abord et dans les classes extérieures à la bourgeoisie : le clergé et l'aristocratie.

LITTÉRATURE

Le baroque littéraire, théorisé en Espagne par Baltasar Gracián et illustré par la poésie labyrinthique de Góngora, anime en Italie les subtilités de Marino, en Allemagne le pathétique d'Andreas Gryphius et l'humour picaresque de Grimmelshausen, en Angleterre les délicatesses précieuses du mouvement dit euphuiste. En France, il inspire l'hermétisme de Maurice Scève (Délie, 1544), les violences visionnaires d'Agrippa d'Aubigné (les Tragiques, 1616) et la mythologie sensuelle de Théophile de Viau (Pyrame et Thisbé, 1621) .

Art du reflet et de l'apparence, à travers les thèmes favoris de l'eau, du miroir et du masque, le baroque est en réalité un style fortement structuré qui se fonde sur un système d'antithèses et de symétries. Les métaphores et les périphrases y jouent le même rôle que les volutes et les spirales dans l'organisation des volumes architecturaux, tout en assurant la présence constante de l'imagination et de la surprise. Phénomène d'ostentation généralisée, prônant la validité morale et artistique de l'artifice contre le naturel, le baroque ne connaît que des êtres de métamorphose qui, acteurs ou héros, sont en perpétuelle représentation.

BEAUX-ARTS

En matière d'architecture et d'arts plastiques, le baroque, arme de propagande des autorités catholiques, tend à rendre l'église plus attirante, à toucher les sens des fidèles par un renouvellement des thèmes et des formes de l'art religieux ; mais c'est aussi un art de cour, qui exprime l'absolutisme des princes. À l'esthétique équilibrée et mesurée de la Renaissance, l'art baroque, avant tout théâtral et somptueux, oppose la recherche du mouvement (draperies), l'utilisation des courbes (colonnes torses, volutes, contre-courbes), des perspectives en trompe-l'œil, des contrastes lumineux, tout cela unifié dans une sorte de spectacle dont le dynamisme scintillant traduit l'exaltation.

Cet art trouve sa première expression à Rome, chez les architectes chargés de terminer l'œuvre de Michel-Ange, Carlo Maderno et Bernin, suivis de Borromini, Pierre de Cortone, etc. Turin, Naples, Gênes, Venise, la Sicile sont touchées, en même temps que le baroque se propage hors d'Italie en prenant, au XVIIIe s., des formes nouvelles. En Europe centrale, ses capitales sont Vienne (avec Fischer von Erlach, Hildebrandt), Prague (la famille des Dientzenhofer), Munich (les frères Asam, peintres, sculpteurs, décorateurs et architectes), Würzburg (J. B. Neumann), mais de nombreux châteaux, églises de pèlerinage (Wies par ex.) et abbayes témoignent de l'allégresse du rococo germanique, qui atteint les terres protestantes de Saxe (Dresde) et de Prusse. En Espagne, le baroque s'incarne dans les pathétiques statues polychromes des processions, dans la profusion ornementale des retables ainsi que dans le style, inspiré par Churriguera, d'un architecte et sculpteur comme Pedro de Ribera ; l'Amérique coloniale à son tour adopte l'art baroque en l'enrichissant de particularités régionales. Terres d'élection pour les jésuites, la Belgique construit au XVIIe s. des églises qui rappellent la structure et l'élan vertical du gothique ; Rubens, le peintre baroque par excellence, y installe ses grands tableaux d'autel. Mis à part l'art éphémère de fêtes de cour et certains éléments fastueux de décor, la France, elle, n'adopte le baroque que vers les années 1630-1660 (Vouet, Le Vau) et au XVIIIe s. à travers le style décoratif rocaille. Dans presque tous les pays, la réaction néoclassique met fin à l'âge baroque vers la fin du XVIIIe s.

MUSIQUE

Dans le domaine musical, la période baroque, que l'on peut situer entre 1600 et 1750 environ, correspond à la création de genres nouveaux (opéra, oratorio, cantate, sonate, concerto) et à l'utilisation d'une écriture fondée sur le dialogue (style concertant avec basse continue) et l'ornementation (lignes décoratives et tumultueuses), ainsi qu'au goût pour l'improvisation et la préciosité. Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi, les ballets de cour français, l'œuvre de Purcell, de Händel, de Lully, les concertos de Vivaldi et l'œuvre de J. S. Bach représentent typiquement cette période.