jardin [ʒardɛ̃] 

nom masculin

(anc. fr. jart, frq. *gart ou *gardo)

  1. Terrain génér. clos où l'on cultive des végétaux utiles ou d'agrément : Un jardin potager. Jardin à la française.
  2. Côté jardin, partie de la scène d'un théâtre située à la gauche des spectateurs (par opp. à côté cour).

    Jeter une pierre dans le jardin de qqn, l'attaquer par un moyen détourné, le critiquer par une allusion voilée.

  3. Jardin d'enfants, établissement qui accueille les jeunes enfants entre la crèche et l'école maternelle, développant leurs capacités par des exercices et des jeux d'éveil.

    Jardin d'hiver, pièce aménagée en serre pour la culture des plantes d'appartement.

L'Antiquité.

Les jardins des temps historiques reculés (Égypte, Babylone, Assyrie, Perse) ) nous sont connus grâce à quelques rares textes les mentionnant ; pour ce qui concerne l'Antiquité classique, il existe des relevés de plans au sol, depuis la Grèce (jardins bordés de portiques, à caractère à la fois public et sacré, avec statues, tombes ou petits temples) jusqu'à l'époque romaine (maisons intégrant progressivement des jardins à composition complexe, du type de celles qu'on trouve à Alexandrie). La maîtrise des eaux permet le développement des jardins de la Rome impériale, où s'imbriquent bâtiments et terrasses et où l'art topiaire (l'art de tailler les arbres et les arbustes selon des formes particulières) fait des buis et des ifs des sculptures végétales.

Islam et Moyen Âge occidental.

L'Islam fait revivre à Damas, à Bagdad, au Caire, à Cordoue, à Grenade les anciens jardins perses, avec leurs allées d'eau disposées en croix, leurs automates, mais le caractère sacré disparaît. Textes et documents laissent deviner la diversité des jardins de l'Occident médiéval. Liés, dans le cas des demeures royales, à un parc de chasse, ils sont en général de plan quadrangulaire, entourés de murs, de tonnelles ou de berceaux, de haies, et comportent prés, fontaines, plantations d'arbres fruitiers, de fleurs et de simples. Le fameux parc de Hesdin, composé pour Robert d'Artois après son retour de Sicile, en 1289, s'organise, lui, en un bocage irrégulier avec ses petites constructions de fantaisie (fabriques) et ses automates facétieux ; quant aux jardins réalisés par le roi René en Anjou puis en Provence, ils tendaient au type paysager, naturel et pittoresque.

L'Extrême-Orient.

Expression des valeurs taoïstes, le jardin chinois, monde clos, propice à la contemplation, se découvre le long de sentiers capricieux. Montagnes et eaux, à signification cosmique, sont accompagnées d'une végétation variée et de pittoresques fabriques (portiques, pavillons...). Cet art, élaboré au Xe s., connaît son apogée à l'époque Ming. Émanation du jardin chinois et, comme lui, microcosme idéalisé, le jardin japonais reste original, comme l'illustre le célèbre Ryoan-ji de Kyoto (1473), tout imprégné d'esprit zen.

De la Renaissance au XVIIIe siècle.

Les Italiens de la Renaissance s'inspirent des thèmes romains, jouent des découvertes de la perspective, des dénivellations et d'une architecture végétale presque sans fleurs pour dilater l'espace, faire du jardin un balcon ouvert sur la campagne (villa d'Este à Tivoli, aux célèbres jeux d'eau, par l'architecte Pirro Ligorio). Les sites des châteaux français accueillent des « parterres de broderies » polychromes qui assurent une transition avec le cadre plus sombre du parc. Ce type du jardin à la française atteint au XVIIe s. sa plus haute expression avec le jeu des perspectives et des éléments fluides, lumières et eaux, dans l'œuvre de Le Nôtre. Au début du XVIIIe s., on revient aux antiques principes paysagers avec le jardin anglais, d'abord longtemps fidèle aux broderies, au boulingrin (parterre de gazon limité par un talus) et à l'art topiaire, et qui se transforme, avec William Kent en un véritable jardin paysager, où la raison se dissimule derrière les formes naturelles.

Du XIXe siècle à nos jours.

Face à une civilisation industrielle oublieuse de la nature, le grand art des jardins se perd. La seconde moitié du XIXe s. voit la création de quelques parcs paysagers urbains (Paris, Lyon...), le début du XXe celle des cités-jardins anglaises, mais les « espaces verts » aménagés dans les villes et aux alentours sont généralement dépourvus de recherche botanique autant que formelle. Dans l'entre-deux-guerres, le modernisme conçoit le jardin en relation avec l'architecture de la villa (Gabriel Guévrékian, Le Corbusier, Mies van der Rohe) et inspirera certaines réalisations de l'après-guerre dans le contexte de la reconstruction : la disposition de l'espace et la réflexion sur les usages du jardin primeront dès lors sur son contenu végétal. Le land art accentuera la tendance en privilégiant l'harmonie avec la nature et sera source d'inspiration pour les nouveaux jardiniers paysagistes. À la fin du XXe s., le souci politique de la valorisation des paysages et la reconquête des friches industrielles entraînent de nouveaux changements, diversifiant les réalisations (parc de la Villette de Bernard Tschumi, créations de Pascal Cribier) et suscitant l'intérêt croissant de la population (festival des jardins de Chaumont-sur-Loire). Les préoccupations concernant l'environnement favorisent également le développement des jardins écologiques, tandis que l'art du jardin affecte de plus en plus les constructions (toitures et murs végétalisés).