dessin [desɛ̃] 

nom masculin

(de dessiner)

  1. Représentation de la forme (et, éventuellement, des valeurs de lumière et d'ombre) d'un objet, d'une figure, etc., plutôt que de leur couleur : Dessin à la plume, au fusain. Dessin d'enfant.
  2. Technique et art de ce mode de figuration graphique : Apprendre le dessin.
  3. Contour linéaire de : Un visage au dessin très régulier.
  4. Dessin industriel, dessin réalisé à des fins techniques ou de fabrication.
  5. Dessin animé, film réalisé à partir de la succession de dessins filmés image par image et donnant l'impression de mouvement. (→ animation.)
BEAUX-ARTS

Le terme de « dessin » s'applique à toute combinaison de signes (lignes, points, etc.) organisée à la surface d'un support quelconque. Le dessin trouve sa spécificité, par rapport à la peinture, dans le caractère de gestualité immédiate qu'il présente le plus souvent, dû à la relative simplicité de ses instruments, qui, de tout temps, ont été comme le prolongement naturel de la main humaine : pointes de métal, bois carbonisé, fragments de roches colorantes, plume et pinceau.

Deux grandes catégories.

Dès la préhistoire, on utilise des pointes pour graver, ou le doigt et des pinceaux, trempés dans un liquide coloré, pour tracer des formes sur une paroi rocheuse, puis sur de la céramique. Dans l'Antiquité, on pratique le dessin linéaire, mais aussi celui en hachures et en modelé (par l'ombre et la lumière), preuve d'une évolution parallèle à celle de la peinture. Au Moyen Âge occidental, on insiste sur le contour, le trait. Puis, dès le XVe s., l'encre noire et le bistre sont utilisés à la plume et en lavis, comme les rehauts d'aquarelle et la sépia au XVIIIe s. Les techniques traditionnelles du dessin peuvent ainsi se diviser en deux grandes classes qui s'opposent : les procédés secs (pointes de métal, fusain, pierre noire, sanguine, craie, crayon de graphite, pastel) et les procédés humides (encre, à la plume ou au pinceau, lavis).

Techniques, combinaisons et développements.

La pierre noire, bien qu'elle soit connue depuis longtemps, n'est utilisée couramment que vers la fin du XVe s. : Michel-Ange, Raphaël ou les Carrache en tirent de remarquables dessins anatomiques. La sanguine, pierre de couleur rouge brique à grain très fin, également connue depuis des milliers d'années, est la technique de prédilection pour les nus et les portraits. Poussin, Rubens ou Rembrandt au XVIIe s. utilisent le lavis pour produire de magnifiques paysages monochromes. Le crayon de graphite ne donne de nombreux et très beaux dessins qu'à partir du XIXe s. (chez Delacroix et Ingres, notamm.). Le pastel, technique en usage dès le XVe s., prend de l'importance à partir du XVIIIe s., en même temps que progressent les procédés de fixation (portraits de Quentin de La Tour et de Chardin ; scènes du quotidien chez Toulouse-Lautrec et Degas). Dans l'histoire du dessin, le fusain ne s'impose véritablement qu'à partir du XIXe s. (avec Seurat ou Redon, par ex.).

La libre association des techniques conduit à des variantes inépuisables (Léonard de Vinci, Véronèse...), mais certaines de ces alliances sont codifiées, telle la polychromie aux trois crayons (pierre noire, sanguine, craie), que Watteau et le XVIIIe s. ont amplifiée à partir d'exemples antérieurs (les Clouet). L'usage des papiers teintés, de la gouache, du fusain traité en hachures ou travaillé à l'estompe multiplie la richesse des effets picturaux, de Titien à Prud'hon.

Longtemps, le dessin a été conçu comme une étape vers autre chose, un élément nécessaire à l'élaboration des projets artistiques. Il faut attendre le XVIIIe s. pour voir véritablement se multiplier des dessins conçus comme une fin en soi, se suffisant à eux-mêmes, à l'instar des peintures et des sculptures. Au XXe s., les notions de fini et d'inachèvement ayant été complètement repensées, des dessins jugés comme des œuvres à part entière prennent, par exemple, un aspect d'esquisse (chez Matisse, notamm.). Le XXe s. voit aussi l'apparition d'un genre de dessin particulier : la ligne, la hachure, le frottis, la tache, étudiés par Kandinsky ou par Klee comme un véritable vocabulaire expressif, sont au service de l'automatisme et de la spontanéité abstraite (Hartung...).

Dessin satirique et d'humour.

L'emploi du dessin pour dénoncer ou railler personnages et situations, dont on trouve un avant-goût dès la Renaissance dans les têtes d'expression de Léonard de Vinci ou les profils caricaturaux des Carrache, connaît un franc épanouissement en Europe à partir du XVIIIe s. En Angleterre les grands noms de la satire sont Hogarth, suivi de Thomas Rowlandson, observateur impitoyable des mœurs, ou de James Gillray, spécialisé dans la caricature politique. À la même période Goya, en Espagne, traite certains portraits avec une cruauté caricaturale.

Mais l'héritage de la satire graphique passe à Paris, pour y trouver son plein épanouissement. La lithographie, technique directe et rapide, bien adaptée aux tirages importants des journaux spécialisés (la Caricature, le Charivari), devient une arme contre les tares de la société ; c'est alors que naissent des « types » comme Robert Macaire (créé par Daumier) ou Joseph Prudhomme (créé par Henri Monnier). Avec la relative liberté de presse accordée par les institutions républicaines, une nouvelle génération d'artistes peut aborder directement les questions politiques (affaire Dreyfus) ou sociales (injustice, colonialisme, militarisme). Ce sont par exemple Jean-Louis Forain ou Caran d'Ache, travaillant pour des journaux comme le Rire ou l'Assiette au beurre. En 1916 est fondé le Canard enchaîné, qui généralise la technique du simple dessin au trait. En Allemagne, le dessin satirique porte la marque de l'expressionnisme dans les œuvres de Georg Grosz et des collaborateurs du journal Simplicissimus.

Après la Seconde Guerre mondiale, le monde moderne et son absurdité multiplient les cibles : se déploient l'insolite surréalisme de Roland Topor, la satire tendre de Jean-Jacques Sempé, le ton grinçant de Chaval, ainsi que de Steinberg et de l'équipe du New Yorker aux États-Unis. Le souffle contestataire, à partir des années 1960, apporte une nouvelle vigueur des thèmes et du graphisme. Aujourd'hui, le dessin satirique privilégie le social et le politique (Plantu), surtout dans leurs implications quotidiennes (Jean-Marc Reiser, Georges Wolinski, Cabu, Siné, Charb).