adjectif
Les pionniers.
L'art abstrait, inauguré en 1910 par une aquarelle de Kandinsky, marque une véritable rupture dans l'histoire de l'art. Les lignes et les couleurs y expriment le monde intérieur de l'artiste et sa vision imaginaire, dans la spontanéité, sans référence explicite à une réalité extérieure. Vers 1914, Mondrian choisit l'abstraction d'une stricte géométrie organisant des aplats de couleurs primaires et gomme ainsi la présence du peintre. En 1918, Malevitch expose à Moscou son fameux Carré blanc sur fond blanc, offrant par là un espace sans fin, où tout peut être inventé. Ces trois peintres indiquent les trois directions de l'art abstrait ; les unissent une même spiritualité, une même volonté de faire place à la seule intériorité, réalisant ainsi des recherches amorcées au xixe s.
L'art abstrait est, dès ses débuts, international : y ont contribué les Français Delaunay, Léger, Picabia, les Russes Tatline et Mikhaïl Larionov, le Tchèque Frank Kupka, le Suisse Giacometti, l'Italien Alberto Magnelli, etc. Entre les deux guerres, la tendance géométrique, parfois baptisée « art concret » et souvent liée aux recherches architecturales, domine. Elle est représentée par le constructivisme des sculpteurs Pevsner et Gabo ; par le groupe néerlandais De Stijl, en partie par le Bauhaus allemand ; par le Suisse Bill, épris de mathématiques ; et, à Paris, de 1930 à 1936, par les groupes Cercle et Carré puis Abstraction-Création (Arp, Auguste Herbin, Calder).
La percée américaine.
L'après-Seconde Guerre mondiale voit surgir les États-Unis, avec, en premier lieu, Pollock, maître de l'action painting (peinture gestuelle, marquée par la vitesse d'exécution). À la suite de ce pionnier, deux grandes tendances s'affirment : l'expressionnisme abstrait (Willem De Kooning), qui met à profit les leçons de l'automatisme surréaliste, et l'abstraction chromatique (Mark Rothko), qui reprend les plages de couleur chères à Matisse. Toutes tendent à renoncer au principe même d'une « composition » de la toile, en recouvrant celle-ci d'un foisonnement de signes ou de couleurs qui semblent flotter dans l'espace. La seconde tendance connaît la plus grande fortune, donnant naissance, au début des années 1960, à une nouvelle abstraction qui revient aux contours tranchés de la géométrie (Stella), sous l'influence du minimalisme et de l'art conceptuel.
De multiples courants.
En Europe, entre 1945 et 1960, le courant géométrique semble perdre du terrain. Se développe alors le « lyrisme » de Cobra (Asger Jorn, Pierre Alechinsky) et du paysagisme abstrait (Vieira da Silva, Roger Bissière, Maurice Estève, Jean Bazaine, Alfred Manessier, de Staël, Jean-Paul Riopelle, Jean Messagier). De multiples tendances s'illustrent dans les différents pays occidentaux (Fontana en Italie, Tàpies en Espagne) et au Japon ; certains peintres accordent plus d'importance à la matière (Wols, Fautrier, Dubuffet), d'autres au geste (Hartung, Soulages, Zao Wou-ki, Mathieu). Dans les années 1960, le courant géométrique (qu'avait entre-temps entretenu Vasarely) réapparaît sous la forme d'un art cinétique ou art optique (op art).
Des années 1970 aux années 1990, l'abstraction se signale notamment par de fines analyses portant sur la nature même du fait plastique (groupe français Support/Surface), les textures, la couleur (le « monochrome », inauguré naguère par Malevitch, recréé en 1950 par Y. Klein). Mais l'opposition entre figuration et non-figuration semble de plus en plus dépassée aujourd'hui : Robert Ryman poursuit son travail sur tout support autour de la couleur blanche, mais insiste sur le « réalisme » de ses matériaux, Cy Twombly, qui prolonge l'expressionnisme abstrait, introduit le motif floral dans ses dernières toiles, Gerhard Richter alterne abstraction et hyperréalisme.