On possède si peu de renseignements précis sur sa vie que certains lui ont dénié la paternité de son œuvre immense, extraordinaire par sa richesse et sa diversité. On sait, cependant, qu'il était fils d'un commerçant ruiné, qu'il se maria à dix-huit ans et qu'en 1594 il était acteur et actionnaire de la troupe du lord chambellan. En 1598, il s'installe au théâtre du Globe et, en 1613, il se retire à Stratford.
Auteur de poèmes et d'un recueil de Sonnets, Shakespeare a surtout écrit pour la scène. Son théâtre comprend des pièces historiques, des comédies, des drames et des tragédies. On peut y distinguer trois époques. Durant la première, celle de la jeunesse (1590-1600), Shakespeare compose de grandes fresques historiques qui flattent l'orgueil national du public élisabéthain (Henri VI, Richard III, Jules César), des comédies légères (la Mégère apprivoisée, le Songe d'une nuit d'été, le Marchand de Venise, les Joyeuses Commères de Windsor, la Nuit des rois) ainsi qu'un drame, Roméo et Juliette, qui met en scène l'amour de deux jeunes gens de Vérone bravant la haine qui déchire leurs familles. La deuxième période (1600-1608), marquée par des déceptions politiques et personnelles liées à la fin du règne d'Élisabeth et au début de celui de Jacques Ier, correspond aux grandes tragédies sombres (Hamlet ; Othello, tragédie de la jalousie ; Macbeth, drame sanglant dominé par le thème de la culpabilité ; le Roi Lear, tragédie de l'absurde et de la perte de pouvoir ; Antoine et Cléopâtre ; Coriolan). La dernière période (à partir de 1608) est celle du retour à l'apaisement avec les pièces romanesques (Cymbeline ; Conte d'hiver ; la Tempête, comédie-féerie et utopie politique).
Shakespeare se veut le défenseur du respect de la hiérarchie, des êtres, des choses, des biens, mais il montre aussi que l'ordre est fragile, le désordre contagieux et la passion dévastatrice : c'est l'arrière-plan spirituel de l'action, du pouvoir et de la passion qui le fascine. Quoique férocement hostile à la théologie puritaine, sa hantise est bien celle du salut collectif : le mal, c'est la trahison, la défection, l'usurpation, la transgression du statut de l'hôte ; le bien, c'est l'accueil retrouvé. Peintre de la violence de son époque, dominant le théâtre élisabéthain, Shakespeare a su jouer mieux que tout autre sur l'imbrication du tragique et du grotesque, sur la puissance d'évocation de la métaphore, sur la diversité sociale et psychologique de ses personnages. Sa maîtrise de la construction dramatique, son art du tissage verbal et scénique ont assuré à son théâtre une densité hallucinante et inégalée.
Hamlet, drame en 5 actes (v. 1601), a pour cadre le château d'Elseneur, au Danemark. Prince rêveur et velléitaire, Hamlet apprend par le spectre de son père que ce dernier a été assassiné. Pour le venger, il doit tuer son oncle devenu roi et qui a épousé sa mère, la reine Gertrude, complice du meurtre. Hamlet simule la démence et n'est convaincu de la culpabilité du couple royal qu'après avoir mis en scène devant lui la représentation théâtrale du crime. Délaissant sa fiancée, Ophélie, qui devient folle et se noie, Hamlet finit par accomplir sa vengeance en y laissant sa propre vie.