Corneille (Pierre)

Poète dramatique français (Rouen 1606 - Paris 1684).

Reçu avocat au parlement de Rouen en 1624, il préfère pourtant la carrière poétique et dramatique. De 1629 jusqu'à l'Illusion comique, en 1636, il semble se consacrer surtout à la comédie (la Veuve, 1631 ; la Galerie du Palais, 1631-1632 ; la Suivante, 1632-1633 ; la Place Royale, 1633-1634), et fait partie des cinq auteurs qui travaillent sous la protection de Richelieu. C'est le succès de sa première tragédie, Médée, confirmé par le triomphe du Cid (1637), qui infléchit sa carrière. Mais le Cid fut critiqué par les poètes rivaux et les théoriciens du théâtre parce que les règles de la tragédie n'y étaient pas observées, et Corneille s'incline après trois ans de querelle : il fera des tragédies « régulières » (Horace, 1640 ; Cinna, 1642 ; Polyeucte, 1643 ; Rodogune, 1644 ; Héraclius, 1647 ; Nicomède, 1651), entrecoupées de comédies (le Menteur, 1643 ; Don Sanche d'Aragon, 1650). Élu à l'Académie en 1647, mais découragé par l'échec de Pertharite, en 1651, il reste improductif durant sept ans et ne s'occupe que d'une traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ (1656). En 1659, il tente de reconquérir son public et donne la Toison d'or (1661), Sertorius (1662), Othon (1664), Attila (1667), mais les suffrages vont maintenant à Racine, dont la Bérénice (1670) connaît un succès bien plus vif que Tite et Bérénice, que Corneille fait jouer la même année. Après Pulchérie (1672) et Suréna (1674), mal accueillis, il cesse d'écrire pour se consacrer à l'édition complète de son théâtre (1682). Si la liberté, la volonté et la gloire forment le ressort des quatre plus grandes pièces de Corneille (le Cid, Cinna, Horace, Polyeucte), une extrême diversité, la liberté qu'il prit avec les « règles » de son temps, enfin la peinture des caractères de ses personnages, chez lesquels se mêlent l'excellence et la gloire, le moi et l'abnégation, l'héroïsme et le déchirement, caractérisent l'ensemble de son œuvre.

Le Cid (1637) : pour venger l'honneur de son père, Rodrigue est obligé de tuer le père de Chimène, sa fiancée ; celle-ci poursuit le meurtrier, sans cesser de l'aimer. Au dilemme de Rodrigue (se venger, c'est perdre Chimène ; ne pas se venger, c'est perdre la gloire, et donc aussi perdre Chimène) répond le dilemme de Chimène (aimer, c'est s'oublier ; haïr, c'est oublier la gloire de Rodrigue, et donc mépriser toute gloire). En autorisant un duel judiciaire dont Rodrigue sort victorieux, le roi met fin à l'impasse et laisse espérer au héros de pouvoir un jour épouser Chimène.